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Comprendre le vol du cerf-volant / Optimisation

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M'sieur, m'sieur! mon cerf-volant ne vole pas. Lancinante litanie que beaucoup d'entre nous ont dû affronter face au gamin (ndlr: et à l'adulte) désappointé, impuissant devant son "cerf-non volant" résolument rivé au sol. Michel Trouillet, notre pédagogue maison, explique les bienfaits de l'empirisme et do l'observation de la nature, pour résoudre les petits aléas d'un cerf-volant mal réglé.

Si le gamin (ndlr: et l'adulte) a un Q.I. supérieur à150 et que vous avez vous-même fait un passage par l'école Polytechnique, il vous est toujours possible d'expliquer, calculette à la main, la variation du Cx en fonction de l'incidence, la position du centre de poussée, la polaire d'Eiffel et l'effet Reynolds... Bon! moi j'ai toujours préféré le bidouillage sur le terrain, en marmonnant dans ma barbe d'obscures explications. Le gosse, heureux, peut alors reprendre son objet, cette fois volant et identifiable, convaincu que je suis un magicien et que le cerf-volant est magique... Il y a un peu de vrai dans tout ça!

Un Cerf-Volant Comment ça vole ?

OBSERVER

Comprendre Tâtonner Confirmer Bidouiller

La position du centre de poussée d'un cerf-volant est essentielle pour que son vol Soit optimum (traction sur le fil de retenue et angle de vol stabilisé). On peut trouver cette position en déplaçant le point de bridage (l'anneau sur lequel est fixé le fil de retenue) vers l'arrière jusqu'à ce que le cerf-volant se mette à tanguer de gauche à droite. Certes, il existe une équation pour définir ce centre de poussée mais cela ne nous servira à rien.

Une fois encore, le vol d'un cerf-volant est régi par des forces impossibles à mettre en équation (déformation de la structure et de la voilure en fonction de la force du vent, de l'angle de vol, de la nature des matériaux utilisés, de l'âge du capitaine, etc.). Alors, comment faire? Observer pour comprendre, tâtonner pour expérimenter et confirmer ce que vous penser avoir compris. Bref, bidouiller.

Observons et expérimentons quelques manipulations sur un cerf-volant de type Eddy (losange), par exemple. Habituellement ce cerf-volant est bridé en deux points. Pour notre expérience, nous allons successivement attacher une seule bride en plusieurs points situés vers l'avant et vers l'arrière par rapport au croisement des baguettes de l'armature. Après avoir attaché le fil de retenue au point le plus avant et une queue suffisamment longue pour assurer un mouvement de balancier stabilisateur, nous allons tester en vol la recherche du centre de poussée.

Au premier essai, notre Eddy se met à tanguer comme une feuille emportée par le vent et entame une série de loopings incontrôlables. Renouvelez l'opération en attachant, cette fois, le fil de retenue sur le point le plus arrière. Le cerf-volant ne tangue plus mais il reste désespérément rivé au sol. En remontant progressivement le point de bridage de l'arrière vers l'avant, vous allez atteindre le point d'équilibre sur lequel le cerf-volant va se mettre à voler parfaitement. Si vous déplacez ce point de l'avant vers l'arrière, le tangage se réduit progressivement jusqu'à l'obtention d'un vol stabilisé. C'est gagné! (fig. 1)

L'air, comme le temps s'écoule

• Que s'est - il donc passé?

Le cerf-volant offre une surface qui résiste à l'écoulement de l'air. Une pression s'exerce sur cette surface et l'air s'écoule tout autour. Il en résulte une poussée vers le haut. Si votre cerf-volant est parfaitement symétrique (cercle, carré...) le point d'équilibre des forces se trouve théoriquement au centre de cette forme. Cela est très pratique quand vous réalisez des trains de cerfs-volants. La corde de retenue passe alors par le centre de poussée de chaque cerf-volant qui ainsi se règle automatiquement et indépendamment des autres situés au-dessus et au-dessous de lui. (fig. 2)

 

Si le point de bridage est décalé sur l'avant, l'air ne s'écoule plus vers l'arrière et la pression, plus élevée au-dessus, fait basculer le cerf-volant vers l'avant. Celui-ci perd alors de son assiette (position de vol stabilisée), l'écoulement de l'air agit sur l'avant de l'extrados et votre cerf-volant pique du nez, avant de s'écraser au sol. (fig. 3)

 

Dans le cas contraire, si le point de bridage est décalé sur l'arrière, la pression s'exerce principalement sur l'avant de l'intrados et cabre le cerf-volant qui refuse alors de monter. Le centre de poussée est défini et réglé une fois pour toutes sur les cerfs-volants monofils, mais un léger réglage permet de les rendre simplement plus OU moins tractant. Sur les appareils acrobatiques à quatre fils, l'angle sera modifié au gré du pilote, non seulement vers le haut et le bas, mais aussi latéralement. Quand les brides sont tirées asymétriquement de gauche à droite, le cerf-volant se gauchit comme une hélice et peut prendre la direction souhaitée, voire voler à l'envers. (fig. 4)

L'histoire de jonathan

et de la peniche

Maintenant que le centre de poussée n'a plus de secrets (ou presque) pour vous, il convient de se pencher sur la stabilité latérale. Connaître le point d'équilibre et l'angle d'incidence de votre cerf-volant ne suffisent pas. Votre appareil peut faire une ascension fulgurante, chercher son équilibre au zénith, ne pas le trouver et entamer une série de loopings qui se termine par un crash désastreux.

La différence entre le cerf-volant et l'Airbus A340 en cours de mise au point, c'est que l'on peut toujours ajouter une longue queue au cerf-volant quand celui-ci vole mal. Ainsi il est possible de faire voler parfaitement un cerf-volant plat, comme le Carré ou le V13 de Georges Rival. La queue, d'une longueur variable, fait alors office d'encre en augmentant la traînée, qui a ainsi une fonction stabilisatrice, et fait se cabrer le cerf-volant en régulant automatiquement son angle de vol. Ainsi, il est possible de faire voler un mauvais cerf-volant en l'équipant de plusieurs longueurs de queues. Cependant, cette solution empirique alourdit le cerf-volant dont la plage de vent risque de se voir limitée aux vents forts.

Pour que votre appareil vole sans attribut (queue). une règle aérodynamique consiste simplement à imiter l'oiseau ou l'étrave du bateau. Demandez à Jonathan le goéland de voler avec ses pointes d'ailes dirigées vers le sol, ou bien au marin d'eau douce d'affronter l'océan avec sa péniche à fond plat. Tous deux vous prendrons pour un fada. Toutes les queues du monde n'empêcheront pas Jonathan de se ramasser une belle gamelle et la péniche d'aller par le fond. Les ailes de l'oiseau et l'étrave du bateau hauturier forment un V dont la pointe est le pivot d'une balance parfaitement équilibrée. Les poids de cette balance sont les molécules d'air qui agissent en pression sur les flancs du V en fonction du tangage de celui-ci. On appelle cela "l'effet dièdre". Cette particularité aérodynamique est essentielle pour le vol stabilisé d'un cerf-volant monofil, mais aussi pour la précision des figures d'un cerf-volant potable ou de sport (fig. 5).

Là encore, la nature sera copiée pour le bonheur de nos vols. Ainsi le cerf-volant peut devenir un véritable laboratoire aérodynamique. L'avantage d'une démarche empirique (bidouillage) est qu'elle permet d'acquérir une sensibilité au vent et une seconde nature plus instinctive que mathématique. Vous l'avez compris, le cerf-volant est vraiment un objet magique!

 

Dis un Cerf-Volant comment ça vole

Un cerf-volant, objet plus lourd que l'air, doit être opposé à une force supérieure à son propre poids. La résultante aérodynamique se décompose on deux forces: la traînée et la portance, lesquelles varient on fonction de l'incidence et de la pression du flux laminaire ou relatif (sic). Elémentaire, mon cher Watson ! Vous avez suivi?

Non ? Moi non plus! On recommence...

Comme l'oiseau, le cerf-volant est plus lourd que l'air. Pour qu'il puisse voler, il faut que l'air qui glisse sur lui développe une force supérieure à son propre poids.

• Pour comprendre ce qui se passe au-dessous et au-dessus de votre cerf-volant, prêtons-nous à la petite expérience suivante.

• Par la fenêtre ouverte de votre voiture à l'arrêt, par temps calme, placez la paume de votre main face au sens de la marche du véhicule. Votre main a tendance à retomber il vous faut faire un effort musculaire pour la maintenir immobile (fig. 1). Si la voiture se met à rouler, vous créez un vent relatif, le même que celui qui engendre une tension sur le fil de retenue de votre cerf-volant lorsque vous vous mettez à courir ou à rembobiner rapidement la ficelle déroulée. Si le vent s'était mis à souffler naturellement, on l'aurait qualifié de laminaire, et il aurait produit les mêmes effets sur votre auguste main.

 

• Si la voiture accélère, vous ressentez une force de plus en plus grande qui tire votre bras

en arrière. Cette force, d'origine aérodynamique, s'appelle résultante aérodynamique. De la même façon. si vous maintenez votre cerf-volant face à un vent fort et que vous lâchez rapidement du fil, votre objet volant sera projeté en arrière au lieu de tomber (fig. 2).

• Maintenant, inclinez votre main la paume vers le sol et l'avant légèrement relevé. L'angle que forme le plan moyen de la main avec le vent (relatif ou laminaire) s'appelle.

angle d'incidence (fig. 3). Sur votre cerf-volant, recherchez cet angle en déplaçant d'arrière en avant le point d'attache de la ligne de retenue sur les brides attachées sur l'armature de votre cerf-volant.

• Vous ressentez à présent deux forces sur votre main l'une vers l'arrière, et l'autre qui tend à soulever votre bras.

• En créant avec votre main ou votre cerf-volant un angle assez faible par rapport au vent, vous avez modifié l'orientation de la résultante aérodynamique.

• Deux forces agissent sur votre main ou sur votre cerf-volant:

• une force dirigée vers l'arrière, parallèle au vent, et qui s'oppose au mouvement : c'est la traînée:

• une force perpendiculaire au vent, dirigée vers le haut : c'est la portance (fig. 4).

• Plus votre voiture accélère, moins votre bras pèse il vous suffit de compenser la traînée

qui vous tire vers l'arrière afin de voir votre main s'élever et constater que son poids est complètement compensé.

• Cependant. la forme de votre main étant peu aérodynamique. la traînée est importante. Les ailes d'un oiseau ou d'un avion sont, par leur profil, mieux adaptées. Une traînée plus faible et une portance plus grande, et le tour est joué pour se jouer de la pesanteur (fig. 5). Une démarche similaire guidera votre conception d'un cerf-volant, sachant toutefois qu'aucune équation ne permet de vraiment prévoir le comportement d'une construction de papier ou de tissu, aux surfaces changeantes.

• Après ce survol théorique, un peu plus accessible que l'introduction, passons aux travaux pratiques.

• Il suffit, pour cela, d'emprunter le cerf-volant losange (Eddy) du gamin qui court comme un dératé sur la pelouse du jardin public situé en face de vos fenêtres... Malgré le vent relatif qu'il crée en courant, le gamin en question ne parvient qu'à raser le gazon et couper tout ce qui dépasse. Son cerf-volant, qui refuse de monter, est dit tractant (fig. 5a). Le point d'attache sur les brides a été fixé bien trop en arrière, ce qui fait que la résultante dynamique s'échappe vers l'avant. La traînée reste la seule force qui s'additionne au poids du cerf-volant. Ça n'est évidemment pas le but recherché!

• Vous consolerez le jeune cervoliste en effectuant le réglage inverse. Ramenez franchement vers l'avant (le nez du cerf-volant) l'anneau du fil de retenue.

Le cerf-volant s'envole alors au moindre souffle de vent, mais ressemble à une feuille morte. Son vol est complètement désordonné, le cerf-volant se balance en tous sens avant de se mettre à tourbillonner et de s'écraser lamentablement au milieu du massif de géraniums... On dit du cerf-volant qu'il est piqueur (fig. 5b). Le point d'attache étant fixé trop à l'avant, le nez est tiré vers le sol la force du vent exerce alors sa pression sur le dessus, plaquant irrémédiablement le jouet d'Éole au sol. Ce type de réglage fait office d'aileron de voiture de course, qui plaque le véhicule au sol afin d'en améliorer la tenue de route.

• Vous prenez alors le cerf-volant par la bride, et, en faisant glisser vos doigts d'avant en arrière, vous constatez qu'une zone d'équilibre peut être définie. Trop vers l'avant, et le cerf-volant est instable au-delà, vers l'arrière, le cerf-volant refuse de s'élever. Cette plage, de quelques centimètres, constitue le centre vélique du cerf-volant (fig. 5e).

 

• Vous pouvez désormais adapter votre cerf-volant à la force du vent. En cas de vent léger, le point d'attache sera réglé plus en avant par vent plus soutenu, c'est vers l'arrière que vous effectuerez le réglage. Vous pouvez ainsi faire varier la force de traction du cerf-volant sur le fil de retenue. Vous allez enfin rendre heureux le gamin qui trépigne d'impatience, lui expliquerez qu'il ne sert à rien de

courir si le vent est suffisant, et que le cerf-volant ne peut voler

que si le vent souffle devant le cerf-volant. Afin d'éviter toute confusion concernant l'endroit et l'envers du cerf-volant -lorsque le fil est déroulé, le cerf-volant attaché, prêt à voler, le cervoliste doit sentir la caresse du vent derrière ses oreilles...

• Il vous reste à mettre en application ces quelques conseils dans le domaine de l'aérodynamique sur tous les objets volants, qu'ils soient monofils ou pilotables. Une brise régulière dans un endroit bien dégagé -sans arbres ni immeubles, afin de tester les réactions de votre cerf-volant tenu à bout de bras par les brides est sans doute assez empirique. Cependant, cette démarche est particulièrement efficace pour sentir les forces invisibles de l'air qui s'écoule sur un objet, qu'il soit volant ou non.

 

Voir aussi :

Et... Comment ça vole ??? un cerf-volant Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
Documentation pédagogique pour les enseignants et encadrants de centre de loisir
 
 Aujourd'hui on sait tirer dans leurs moindres détails les plans des avions les plus compliqués. Mais aucune équation, aucune application des lois fondamentales de l'aérodynamique ne permettent de rendre compte de façon précise du vol d'un cerf-volant. Cette énigme a dérouté plus d'un mathématicien: en 1756, Euler reconnaissait que " ce jouet d'enfant, méprisé des savants, peut donner lieu aux réflexions les plus profondes"; Monge, qui avait beaucoup "planché" sur le sujet et affirmé qu'il fallait à l'engin une queue, n'en concluait pas moins qu'il obéissait à des lois mystérieuses.

 

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L'art est toujours le résultat d'une contrainte. Croire qu'il s'élève d'autant plus haut qu'il est plus libre, c'est croire que ce qui retient le cerf-volant de monter, c'est sa corde.
André Gide

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